A propos de moi

Et pourtant...

Je suis née à Bijelo Polje (Monténégro) et vis en Belgique depuis 2010.

Je suis la cinquième née de six enfants issus d’un couple d’ouvrier travaillant dans un pays communiste et dont le système familial patriarchal est renforcé par la religion islamique à laquelle j’ai appartenue. Dans ce système, encore imprégné des principes inculqués par la culture ottomane qui occupa la région pendant près de 500 ans, la femme ne jouis pas des mêmes droits que l’homme et son statut s’en trouve bien évidemment diminué.

Tout au long de mon enfance, je me suis promenée seule, sans jamais pouvoir interroger, questionner ou discuter du pourquoi et du comment des choses avec qui que ce soit. Mon père était très sévère et de surcroit alcoolique. Une assuétude devenue rapidement  un fardeau pour tous les membres de la famille.

Chacun de nous devait se comporter différemment, comme dans une existence parallèle, selon son état d’enivrement ou de sobriété. Ma mère, quant à elle, était fort occupée non seulement par son emploi, mais aussi par l’éducation de ses six enfants. A cela s’ajoutait les tâches et corvées ménagères ainsi que toutes les responsabilités qui auraient normalement dû incomber à mon père.

J’ai connu la pauvreté à l’instar des autres membres de la famille. J’étais une enfant mélancolique qui a développé un désir d’autodestruction.

A ces conditions déjà difficiles se sont ajoutées les affres de la guerre d’Ex Yougoslavie de 1992 à 1995. L’hyper inflation, l’embargo et la peur des persécutions des nationalistes étaient une réalité quotidienne dans la région où nous vivions qui était majoritairement peuplée de musulmans.

Et pourtant ! Indépendamment de ces circonstances peu favorables, j’ai réussi avec grand succès, et par ma seule volonté, mes études primaires, secondaires et supérieures.

A l’âge de treize ans, j’ai lu pour la première fois  « Le chemin le moins fréquenté » de Scott PECK. Cet ouvrage m’a apporté des réponses sur certaines questions que je me posais et m’a ouvert l’esprit sur le monde fascinant de la psychologie et de l’âme humaine.

Je me suis alors refugiée et évadée dans la lecture et les livres sont devenus rapidement mes meilleurs amis. J’y ai trouvé l’endroit où je pouvais chercher des réponses, non seulement pour moi-même mais également pour ma famille face aux situations auxquelles nous étions confrontés.

Mon esprit s’est enrichi de ce savoir tout au long de mon existence et j’ai parallèlement développé un grand intérêt pour la philosophie.

Aujourd’hui, à la lumière de ces connaissances acquises et enrichie par les épreuves que j’ai passées et surmontées, j’ai développé une psychologie et une philosophie personnelle de la vie.

J’ai un esprit analytique et une soif toujours inassouvie de connaissances.

Au mois de mai de cette année ma maladie aura 18 ans, elle atteint sa majorité, événement que je vais fêter. Après toutes ces années de vie en sa compagnie, je pourrais longuement élaborer sur la vie avec ma sclérose en plaques.

Comme ce n’est ni un espace ni un lieu d’essais, je vais essayer d’être succincte.

Rien dans la vie et le monde de l’individu ne se produit par accident. La SEP est une des meilleures choses qui me soit arrivée dans la vie. Attention, je ne veux pas dire pour autant que c’est un plaisir et que le fardeau de ce diagnostic soit facile à porter. Mais la vie n’est pas facile non-plus, et pourtant elle continue.

Tout au long de notre existence, nous pouvons nous lamenter et « pleurer, et pleurer encore », ce que nous faisons pendant une certaine période. Ensuite, nous réalisons que cela ne sert à rien et nous recommençons à vivre.

Je préfère embrasser la maladie et embarquer dans cette aventure que j’appelle e « La vie avec un problème de plus ».

J’ai passé de longues heures douloureuses et imprégnée de patience à réfléchir, à réexaminer, à m’observer… J’ai commencé à découvrir un monde différent de celui que nous ressentons. La vie a du sens et elle le conserve dans toutes les situations et en toutes circonstances.

J’ai compris aussi qu’il n’est pas tant important de s’intéresser à la durée de la vie mais bien à comment nous voulons la vivre. La compréhension mène au dépassement de soi. J’ai surmonté les préjugés et les idées préconçues. J’ai surmonté la peur comme un autre obstacle entre la vie et moi. Je suis allé au-delà des attitudes et des croyances que m’ont inculqué la tradition, la culture, la société et la religion dans lesquelles je suis née. Je me suis libérée de la conditionnalité et j’y ai gagné la liberté !

La liberté d’être qui je suis : qui est Elma? Que veut Elma? Que cherche-t-elle?

Et la liberté d’agir et d’agir comme j’aime le faire. Et au lieu de la réalisation de soi qui vient des sentiments extérieurs, la maladie m’a amené la réalisation de moi. De l’instant du diagnostic jusqu’à ce jour, j’ai mené à bien le travail que j’ai choisi, j’ai voyagé (maintenant je ne peux plus) mais c’est pourquoi j’ai beaucoup plus de temps pour lire et regarder des films que je sélectionne avec soin. J’ai appris (et étudié) deux langues étrangères et j’ai essayé d’apprendre le néerlandais mais avec le temps, il m’est devenu plus difficile de me concentrer et de mémoriser, donc, je n’ai pas réussi.

J’adorais nager. Je ne peux plus faire cela non plus, mais j’ai commencé à jouer de la harpe. Je n’ai pas non-plus la force d’entretenir un jardin ou un potager, mais maintenant je fais pousser des fleurs.

Mon équilibre est mauvais et je ne peux plus grimper aux arbres, mais cependant je peux encore tondre la pelouse.

Dans mon pays, être une femme atteinte d’une maladie grave représente un obstacle au mariage quasiment insurmontable. Et pourtant ! J’ai pourtant été mariée pendant 7 ans et me suis remariée en janvier 2021…

Je sais aussi que, peu à peu, je devrai réorganiser mon mode de vie selon les sautes d’humeur de la maladie, comme tous ceux qui en souffrent le savent pertinemment bien.

Qu’importe ! Je vis ma vie et pas celle que ma maladie voudrait m’imposer. C’est mon choix et nous avons le droit de choisir. Et je suis toujours heureuse car le bonheur est un état d’esprit et pas une conditionnalité.

Il y a encore tant de beauté que j’ai encore à découvrir, et qui m’attend, et j’ai le courage de vivre le sens de ma vie, et encore plus, dans toutes les conditions et circonstances qui me sont et seront imposées non seulement par la maladie mais par la vie en général.